L’Île de la Tortue : ces lieux qui ont inspiré Daphne Odjig
- 04 sept. 2025
- Histoire
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De la sérénité de l’île Manitoulin aux rues animées du centre-ville de Toronto en passant par les forêts denses de la côte de la Colombie-Britannique, l’artiste et militante Daphne Odjig a été profondément influencée par les endroits où elle a vécu.
Découvrez les lieux de l’Île de la Tortue – le nom que donnent de nombreuses Premières Nations algonquines et iroquoiennes à l’Amérique du Nord – qui ont exercé la plus grande influence sur Daphne Odjig et voyez comment, par son art, elle a su marier avec brio des éléments de son environnement à des expressions de l’amour, de la famille, de la communauté, de la culture et de l’histoire.


De la sérénité de l’île Manitoulin aux rues animées du centre-ville de Toronto en passant par les forêts denses de la côte de la Colombie-Britannique, l’artiste et militante Daphne Odjig a été profondément influencée par les endroits où elle a vécu.
Découvrez les lieux de l’Île de la Tortue – le nom que donnent de nombreuses Premières Nations algonquines et iroquoiennes à l’Amérique du Nord – qui ont exercé la plus grande influence sur Daphne Odjig et voyez comment, par son art, elle a su marier avec brio des éléments de son environnement à des expressions de l’amour, de la famille, de la communauté, de la culture et de l’histoire.

Île Manitoulin (Ontario)
Daphne Odjig est née en 1919 sur le territoire non cédé de Wiikwemkoong sur l’île Manitoulin, en Ontario. Son enfance se déroule sous le signe de la créativité, du jeu et du dur labeur. Élève studieuse, elle doit toutefois mettre fin à sa scolarité en raison de la maladie. Elle se met alors à observer les artistes dans sa famille et à apprendre d’eux. Son père dessine, sa mère coud et son grand-père taille la pierre. C’est ce dernier qui a eu la plus grande influence sur elle.
« Alors qu’elle est une jeune adulte dans le Nord de l’Ontario, Daphne Odjig est victime de discrimination raciale et fait face à des barrières à l’emploi en raison de son nom et de son apparence autochtones. Elle commence donc à se faire appeler Daphne Fisher (le nom « Odjig » signifiant « pékan » ou « fisher » en anishinabé). Réalisées dans un style européen, ses premières œuvres portent sur des sujets non autochtones. Mais en 1964, sa belle-sœur Rosemary Peltier Odjig l’invite à assister au quatrième pow-wow annuel de Wiikwemkoong. C’est d’ailleurs Rosemary qui avait mené les démarches pour rétablir le pow-wow en 1961, malgré les objections d’un prêtre local. Et c’est elle qui entraîne Daphne, alors âgée de 45 ans, dans le cercle de danse du pow-wow pour danser au son du tambour. Daphne affirme que cet événement a changé sa vie. ”Au début, j’avais peur de danser“ m’a-t-elle dit. ”Mais j’ai progressivement laissé le battement du tambour pénétrer mon corps et j’ai senti un nouveau savoir m’envahir. J’ai alors compris que j’étais autochtone.“
Maintenant déterminée à accepter et à célébrer son héritage, elle réoriente son art afin d’explorer et de mettre en lumière l’histoire et les traditions de son peuple. Elle adopte un style de peinture plus graphique en y incorporant les grands traits calligraphiques qu’elle a appris de son grand-père tailleur de pierre. À la suggestion de Rosemary, elle écrit et illustre une série de livres pour enfants inspirés des légendes de Nanabush, maître de la ruse. Plus tard, elle utilisera son art pour raconter des histoires autochtones de révolte, de perte de territoire, de guérison et de survie. À compter de ce moment, elle signera ses œuvres de son véritable nom, Odjig. » – Bonnie Devine, artiste visuelle anishinabée, conservatrice et amie proche de Daphne Odjig

Toronto (Ontario)
Après son déménagement de Parry Sound à Toronto durant la Seconde Guerre mondiale, Daphne Odjig travaille dans diverses usines. Dans ses temps libres, elle parcourt les galeries d’art et les musées de la ville, dont le Musée royal de l’Ontario et le Musée des beaux-arts de l’Ontario, de même que la galerie du magasin Eaton sur la rue College. En étudiant ces œuvres, Daphne Odjig apprend à peindre par essais-erreurs, en reproduisant les différents styles et les différentes techniques qui l’intéressent. Cet apprentissage d’autodidacte jettera les bases de son style en constante évolution.
« Toronto était un endroit formidable à cette époque. C’était une ville si multiculturelle. » – Daphne Odjig

Coquitlam (Colombie-Britannique)
L’arrivée de Daphne Odjig en Colombie-Britannique marque le début de son essor artistique. À Coquitlam, elle se marie et a un fils – tout en continuant de créer. Elle expérimente avec la peinture à l’huile sur des canevas comme des toiles de tente recyclées, et peint des œuvres qui représentent la nature et des paysages. Elle poursuit son expérimentation en étudiant les influences modernes dans des livres et des magazines – et son talent continue de s’épanouir.
« Je suis grandement influencée par ma culture, par les personnes que je rencontre, par les endroits où je vis… bref je suis influencée par beaucoup de choses. » – Daphne Odjig

Lindell Beach (Colombie-Britannique)
La famille fait l’acquisition d’une ferme dans la vallée du fleuve Columbia pour y cultiver les fraises. Après le décès tragique de son mari, Daphne Odjig continue d’exploiter la ferme tout en consacrant ses hivers à la peinture. Déterminée à en apprendre toujours plus, elle emprunte des livres à la bibliothèque et visite la Vancouver Art Gallery pour admirer les œuvres de près, les copiant pour perfectionner son art. Après l’inscription par sa sœur de son œuvre Theatre Queue à un concours, Daphne Odjig devient membre de la British Columbia Federation of Artists – affirmant ainsi son statut d’artiste professionnelle.
« Quand je visitais des galeries et que je voyais le travail d’autres artistes ou encore celui de grands maîtres dans des livres, je me disais souvent “J’aimerais pouvoir peindre quelque chose comme ça”. » – Daphne Odjig

Grand Rapids (Manitoba)
Daphne Odjig se remarie ensuite et déménage au Manitoba. Elle suit son mari qui est affecté à Easterville, où la Nation Crie de Chemawawin a été relocalisée en raison de la construction du barrage de Grand Rapids. Elle immortalisera les expériences des membres de la communauté dans ses œuvres Series of the North, constituées de dessins à l’encre regorgeant de détails. C’est là que Daphne Odjig vend sa première œuvre à un fonctionnaire en visite, qui commencera ensuite à vendre ses œuvres depuis sa maison à Winnipeg. Elle découvre aussi le collage et les techniques mixtes auprès d’un professeur de l’Université de Brandon, ajoutant ainsi de nouvelles cordes à son arc.
« Mon déménagement à Easterville avec Chester est l’une des meilleures choses qui pouvaient m’arriver, car j’ai pu retourner auprès de mon peuple. » – Daphne Odjig

Winnipeg (Manitoba)
Winnipeg est au cœur de la renaissance culturelle autochtone de Daphne Odjig. L’artiste y fonde Odjig Indian Prints of Canada et ouvre une petite boutique d’artisanat, où elle vend des reproductions de ses dessins à l’encre de la Series of the North ainsi que des œuvres d’autres artistes autochtones. Elle convertit ensuite sa petite boutique d’artisanat en une galerie d’art, la New Warehouse Gallery, l’une des premières galeries appartenant à une personne autochtone au Canada. C’est là qu’elle fonde le groupe Professional Native Indian Artists Inc. (PNIAI). Alors connu comme le « Groupe indien des Sept », le PNIAI milite pour une représentation équitable de l’art contemporain autochtone dans le milieu des beaux-arts.
Daphne Odjig apprend aussi à créer des murales en élargissant ses dessins. C’est ainsi qu’elle peint The Creation of the World, une murale commandée par le Musée manitobain de l’homme et de la nature à l’occasion du centenaire du Manitoba.
« Winnipeg est l’une de mes villes préférées. En fait, je pense même que c’est mon deuxième chez-moi. » – Daphne Odjig

Anglemont (Colombie-Britannique)
Après son retour en Colombie-Britannique, Daphne Odjig termine son chef-d’œuvre The Indian in Transition – une fresque monumentale racontant la vie autochtone au Canada. L’œuvre est une commande du Musée national de l’Homme (maintenant le Musée canadien de l’histoire); elle est d’abord exposée au Centre national des Arts, à Ottawa. L’artiste s’installe ensuite à Penticton, en Colombie-Britannique, où elle continuera de créer en communion avec la nature jusqu’à son décès à Kelowna en 2016, à l’âge de 97 ans.
« J’espère simplement que j’ai incité un enfant ou une personne à vivre ses rêves et à faire toujours de son mieux. » – Daphne Odjig
Quand l’art vient tout droit du cœur
Célébrons cette artiste aux mille réalisations personnelles, artistiques et culturelles qui, grâce à son talent et à son action militante, a transformé la perception de l’art autochtone. Rendez-lui hommage avec la nouvelle pièce de circulation commémorative de 2 $ frappée en l’honneur de Daphne Odjig, artiste d’une originalité indéniable.